Archanges

archanges-veliborcolic-editionsgaiaIls sont quatre à nous parler d’eux-mêmes, de ce qu’ils sont devenus, de ce qu’ils étaient. Ils sont quatre à marteler, sans cesse, le récit cru de ce qu’ils ont fait et subi. Le Singe, Le Tronc, L’Ombre, et Le Fils.

Esdras est un clochard qui fait le singe sur un banc public à Nice. Le Duc est en taule, réduit à un tronc. Le Fils est mort, assassiné dans un train qui fuyait Zagreb. Et puis il y a Senka, la jeune fille de 13 ans, la fille-fantôme, « l’ombre » (comme le signifie aussi ce prénom serbo-croate). Une ombre qui hante ses bourreaux. Car Senka est morte, violée et assassinée, avec toute la barbarie dont l’Homme est capable, dans un village qui n’existe plus, dans un pays en guerre. Senka qui « n’est plus rien. Sinon un beau murmure sur les lèvres de son assassin ». Senka, condamnée à vivre dans l’immensité poussiéreuse de l’Éternité, descend parfois sur Terre et s’assoit sur les genoux d’un de ses bourreaux : « Allez mon vieux, pense à moi. Ne m’oublie pas. Si tu m’oublies, je n’existe plus. »

Une nouvelle fois, l’obsession tourmentée de Velibor Čolić est de faire œuvre de mémoire, pour la paix de l’âme des victimes, quelles qu’elles soient, et pour qu’on n’oublie pas quelle réalité se cache derrière le mot « guerre », derrière l’expression « crime de guerre ». Il s’agit de la Bosnie, mais il pourrait, hélas, s’agir de n’importe quel autre conflit.

Un roman d’une cruauté insoutenable. Un roman essentiel.

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